Archive pour octobre 2009

Pas frais mon pourcentage ?!

La discussion sur la répartition des bénéfices entre les différents acteurs de la chaîne du numérique a repris de la vigueur suite aux débats de la semaine dernière au Forum « La Révolution numérique de l’auteur » organisé par la SGDL. L’annonce récente faite par Google, confirmant qu’ils comptaient devenir acteurs à part entière de l’édition numérique en 2010, a certainement contribué à raviver les discussions.

Commençons par remarquer que les seuls produits numériques de l’édition à propos desquels notre village gaulois s’autorise un avis sont les équivalents fichier des livres imprimés, tout en admettant que puissent coexister deux variantes : les formats PDF et ePub. En revanche, les travaux littéraires menés à travers l’Internet, via blogs et réseaux sociaux, ne sont pas pris en compte dans les discussions, pas plus que les propositions des bibliothécaires, qui sont pourtant prêts à discuter avec les éditeurs de nouveaux services de lecture pour leurs usagers.

Pour résumer : les (futurs) lecteurs n’envisageraient pas de les payer plus de 70% du prix du papier ; les libraires ne voient pas pourquoi leur marge serait réduite de 10% ou 15% sous prétexte que manutention et gestion des stocks leur serait épargnée ; et les auteurs saisissent l’occasion pour revendiquer mieux que les 10% actuels, sachant que papier ou pas, ils restent ceux qui y consacrent le plus de temps. Les autres acteurs sont généralement considérés comme des parasites.

Chacun affûte donc ses pourcentages, un instrument bien pratique pour se quereller. Je vous propose juste un petit break, histoire d’appliquer ces proportions aux quantités effectivement vendues. Let’s do the math, dirait notre ancien boss Tim O’Reilly.

Rappelons que pour un livre papier à 20€ TTC qui se vend à 1000 exemplaires par an (c’est-à-dire peu), l’éditeur laisse en moyenne 35% aux libraires. Il lui reste donc pour rémunérer ses employés et le reste de la chaîne : (1000 × 65% × 20€) / 1,055 hors taxes, soit environ 12300€, les libraires se partageant un peu plus de 6600€. [Comme le fait remarquer Aldus en commentaire, c’est déjà à peine suffisant pour survivre.]

Pour le même livre numérisé à 14€ TTC — les 20€ ci-dessus moins les 30% requis au nom de frais d’impression inexistants, d’un coût amorti en grande partie par les ventes papier, ou plus simplement pour compenser la perte de confort pour le lecteur —, qui se vend à 100 exemplaires par an (c’est-à-dire très bien, le best-seller de notre boutique s’étant vendu à 99 exemplaires depuis le mois de mars !), un éditeur qui laisserait 20% de remise de base à ses libraires récupèrerait : (100 × 80% × 14€) / 1,196 hors taxes soit 936€. Quant aux libraires, ils se partageraient 234€.

16 fois moins de revenu à se partager, voilà la réalité actuelle pour un livre numérisé. Même en conservant les 35% de remise habituels pour le papier, les libraires grapilleraient royalement 410€ par an.

Le même calcul cruel s’applique bien sûr à tous les acteurs de la chaîne. Avec des quantités si faibles, personne ne gagne encore d’argent, et les coûts fixes, au lieu d’être amortis par les quantités vendues, plombent les comptes et empêchent les éditeurs de se lancer. On voit bien que baisser le taux de TVA pour les produits culturels ne sera pas suffisant : même avec un taux ramené à 5,5% (configuration idéale), le livre numérisé resterait 14 fois moins rémunérateur que le livre papier.

Pour retrouver les ordres de grandeurs auxquels nous a habitué le papier et relégitimer nos disputes sur le partage des revenus, il faudrait donc commencer par réfléchir aux moyens de décupler la diffusion du numérique payé. Dans un prochain article, nous passerons en revue les différentes options qui s’offrent à nous. D’ici là, si vous avez un avis sur la question, vous êtes bienvenu !

xavier@immateriel.fr


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