En 2008, l’industrie de l’édition ne sait toujours pas quelle attitude adopter vis-à-vis du livre numérique. Au lieu de voir la démocratisation des accès à l’Internet comme une occasion inespérée de se réinventer, elle continue à espérer que les nouvelles technologies serviront son ancien business model, où l’information ne pouvait circuler que sous forme matérielle.
La 4e journée sur le livre numérique organisée lundi 31 mars 2008 par le Consortium Couperin et l’Université de Bordeaux 1, passionnante à nombreux égards, a mis en lumière le hiatus croissant entre l’offre des éditeurs et les besoins des usagers.
Cette journée nous a donné l’occasion de mettre en forme quelques réflexions sur les raisons de ce décalage, et ce qui pourrait débloquer la situation. En voici une sorte de résumé augmenté (la plupart des présentations devraient se retrouver bientôt sur le site de Couperin et sur ArchiveSIC).
Avant de nous pencher sur ce qui terrorise les éditeurs, commençons par rappeler les coûts respectifs d’un ouvrage papier et d’un ouvrage PDF, puisqu’il s’agit des deux formats que nous connaissons le mieux.
Le livre papier, combien ça coûte ?
Sauf exception, le bénéfice qu’un éditeur peut espérer tirer d’un livre papier est très faible, une fois défalqués les coûts liés à chaque vente et les coûts fixes liés à l’édition, la production et la diffusion. Sur la première figure, nous voyons que le coût lié à chaque vente correspond peu ou prou à 85% du prix du livre, et qu’il reste environ 15% pour amortir les frais fixes et envisager un bénéfice.
Autrement dit, il arrive souvent qu’une fois payés le loyer, les salaires, le marketing et l’équipe de vente, il ne reste plus rien, voire que le livre soit déficitaire ; avec une marge si faible, le seul moyen de rester dans le vert consiste à augmenter les quantités vendues.
Pour cela, les éditeurs prennent des risques : baisse des prix, augmentation du budget publicitaire, augmentation du nombre de titres, augmentation des mises en place chez les libraires, voire augmentation de la qualité, font partie de l’arsenal traditionnel. Mais ces risques payent de moins en moins, car les libraires sont aujourd’hui saturés de papier (60000 nouveautés par an en France), et ne savent plus comment gérer des livres qui tournent lentement. Résultat, au bout de quelques mois, le livre n’est plus disponible que chez quelques libraires en ligne, ou sur commande.
Ca vous donne envie, un business pareil ? Une maison d’édition canadienne pour qui j’ai travaillé il y a longtemps, après évaluation de ce que pouvait rapporter annuellement leur nouvelle filiale en France, se demandait si elle ne ferait pas mieux de placer son argent à la Caisse d’Épargne. Ils auraient dû en effet, car ils ont finalement jeté l’éponge au bout de 5 ans.
Le livre numérique, combien ça coûte ?
Vu de loin, les économies engendrées par le support numérique semblent faramineuses : pas de coût d’impression, pas de coût de distribution, pas de remise libraire, etc. Les auteurs sont nombreux à utiliser cet argument ; ils y voient une excellente raison d’augmenter le pourcentage des royautés 🙂 À y regarder de plus près, on s’aperçoit que le coût lié à chaque vente est en réalité assez important :
Cette structure de coûts, qui correspond à celle que nous avons expérimenté sur oreilly.fr, comprend, outre une TVA à 19,6%, un coût de diffusion non négligeable, évalué à 40% : ce n’est pas le travail des serveurs qu’il faut prendre en compte ici, mais celui des humains qui développent les plates-formes, administrent les services, et surtout ceux qui diffusent les ouvrages auprès des futurs clients : comme nous l’avons montré dans notre précédent article, il est illusoire de penser que vendre ses ouvrages sur un seul site permettra de toucher suffisamment de clients.
Les coûts fixes n’ont quant à eux pas de raison de changer : produire un livre papier, pour l’instant du moins, coûte sensiblement la même chose que produire un livre numérique. Je n’ai pas pris en compte le coût de la numérisation, car je considère qu’il est aujourd’hui quasi-nul pour les ouvrages produits après 2005 (environ 50€ par ouvrage pour une remise en forme simple à partir du PDF imprimeur). Numériser son fonds relève d’une autre démarche, plus stratégique, visant les lecteurs de la Longue Traîne : il s’agit de se préparer à réutiliser un contenu quand le besoin s’en fera sentir (moteurs de recherche, impression à la demande, etc.). À ce titre, on peut d’ailleurs regretter que les éditeurs se soient majoritairement dressés contre Google Book Search, au lieu de négocier la non-exclusivité des droits d’utilisation des fichiers numérisés par Google.
Restent donc environ 20%, qui représentent non pas une marge bénéficiaire, mais plutôt une marge de manœuvre, qui doit permettre aux maisons d’édition d’explorer de nouvelles pistes :
- Primo, ces 20% ne rapportent rien tant que les quantités ne sont pas au rendez-vous. Une partie de cette marge de manœuvre doit impérativement être consacrée à l’augmentation du nombre de canaux de diffusion.
- La demande pour des ouvrages multimédia et de nouveaux formats, type e-readers, ne peut que croître. Produire de tels ouvrages qui mêlent l’écrit, l’image, le son et l’interactivité coûte plus cher, mais doit faire partie des investissements nécessaires. Dans ce cas, les 50€ de remise en forme sont facilement multipliés par 10, voire 100.
- Augmenter les taux des droits d’auteurs paraît logique, d’autant que la montée en puissance du multimédia incitera les éditeurs à plus les solliciter.
- Augmenter les salaires aussi : un employé bien traité fera toujours du meilleur boulot 🙂
Comment se fait-il qu’au lieu de considérer cette marge de manœuvre comme une bouffée d’air frais, le monde de l’édition continue à s’en méfier comme de la peste ?
Tous aux abris !
Problème : le numérique, pour rester attrayant, ne peut pas être bridé ou limité dans ses usages. Comme nous l’ont décrit avec brio deux étudiants de Paris 5 lors de cette 4e journée Couperin du livre électronique, les futurs utilisateurs de ce type d’ouvrage souhaitent pouvoir y accéder de n’importe où et à tout moment, en extraire certaines parties, en imprimer d’autres, y superposer leurs commentaires ou y ajouter d’autres sources, bref se l’approprier.
Pour une maison d’édition qui a grandi avec un modèle papier très encadré, offrir ces fonctionnalités indispensables revient à céder à ses lecteurs une partie du contrôle qu’elle possédait sur le contenu, grâce à son support matériel. C’est dur à avaler. On sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on gagne. Et on croit que l’Internet, c’est différent du monde réel, parce qu’on n’en n’a pas encore fait l’expérience.
« L’Internet, c’est le Far West »
Pourtant, le vol à l’étalage, les retours et le pilon ont toujours représenté non seulement une perte de contrôle, mais un véritable coût, voire un manque à gagner, qui fait toujours un peu râler les éditeurs certes, mais qui est largement considéré comme un mal nécessaire.
Comment, dès lors, expliquer la panique qui s’empare des éditeurs lorsqu’on leur parle de proposer à leurs clients ce qu’ils demandent ? Tout simplement, ils ne savent pas encore déchiffrer le fonctionnement de l’Internet et pensent que le besoin d’appropriation y conduit nécessairement au vol.
« Le nombre de fichiers piratés est énorme »
On lit régulièrement des chiffres contradictoires concernant le nombre de fichiers piratés. Un récent jugement concernant le piratage de BD sur des newsgroups relayés par Free indique dans ses attendus que le tribunal n’a pas été en mesure de vérifier quels étaient les ouvrages piratés et en quelle quantité. Les éditeurs évaluaient leur préjudice à environ 1 € par fichier ayant circulé sur ce newsgroup, en se basant sur une estimation réalisée par Microsoft ! Bien entendu, si le tribunal n’a pas pu vérifier l’ampleur du piratage, on sait encore moins ce que cela représente en pourcentage des ventes réelles. Depuis 8 mois que nous vendons des fichiers PDF sans entraves particulières sur le site oreilly.fr (3500 exemplaires à ce jour), aucun n’a encore atterri sur les sites d’échanges. Cela viendra probablement, mais en attendant, aucun de nos clients n’a trouvé normal de déposer son achat sur un site public. Beaucoup l’ont certainement prêté à des amis ou des collègues, comme ils le font avec leurs livres papier. Grâce leur soit rendue d’assurer notre pub !
D’un autre côté il faut reconnaître que la quasi-totalité des titres de notre maison-mère se retrouvent sous une forme ou sous une autre, sur des réseaux d’échanges de fichiers. Faut-il s’en alarmer ?
« Le manque à gagner est énorme »
Premièrement, pour la plupart des ouvrages disponibles sur ces sites, le nombre de serveurs susceptibles de répondre à une requête de téléchargement est faible (entre 0 et 2 selon l’heure de la journée), ce qui indique que peu de personnes y ont recours. Par ailleurs, la qualité de ces archives est très mauvaise : elle provient le plus souvent de pages HTML aspirées sur Safari, ou d’ouvrages papier scannés.
En tout cas, cela n’empêche pas O’Reilly de continuer à vendre dans les mêmes quantités du papier, du PDF, ou des abonnements Safari pour tous ces titres. Ces deux derniers vecteurs sont même en hausse constante.
La vérité est que personne ne peut certifier que le piratage engendre un manque à gagner. Comme pour la musique, il n’est pas du tout sûr que le pirate aurait acheté ce qu’il a pu récupérer gratuitement : il est fort possible qu’il ou elle n’ait pas les moyens de se payer le livre au prix fort, ou qu’il n’existe tout simplement pas de version numérique payante et facilement accessible. Enfin, personne ne sait quantifier l’effet bénéfique d’une mise en avant supplémentaire, a fortiori si elle est underground. Les retombées des campagnes marketing classiques ont toujours été difficiles à quantifier, elles aussi.
Halte aux fantasmes !
Il semble donc qu’aucune maison d’édition n’ait cru à l’analyse que Tim O’Reilly faisait de la chose fin 2002 (!), lorsqu’il comparait le piratage à un simple impôt progressif. Il va sans dire que cette réflexion reste parfaitement d’actualité. Quand piratage il y a, ce qui est sûr, c’est qu’il est très loin d’amputer les ventes des 20% de marge de manœuvre discutés plus haut.
Quant aux auteurs, ils craignent généralement deux choses : ne pas être lus et se faire avoir par leurs éditeurs. Si les éditeurs continuent à les rémunérer correctement au prorata des ventes, pourquoi les auteurs verraient-ils d’un mauvais œil que des lecteurs moins fortunés puissent aussi apprécier leur travail, comme c’est le cas grâce aux bibliothèques ?
Toutes ces peurs, qui ne reposent sur aucune réalité concrète, conduisent malheureusement les maisons d’édition à fermer les accès quand leurs clients leur demandent de les ouvrir (et sont prêts à payer pour ça, voir notre article précédent). Les fameux DRM sont le symptôme le plus criant de cette incompréhension des besoins du public. Pas plus tard qu’hier, je comptais acquérir la version PDF de l’ouvrage de Marc Autret pour vérifier quelques chiffres. 9€, c’est plus qu’honnête pour un livre aussi bien documenté. Eh bien, au moment de l’achat, on m’avertit que non seulement le copier-collé est interdit, mais on ne peut pas copier le fichier hors de la machine qui a servi à le télécharger (cerise sur le gâteau, ça ne se lit pas sous Linux). Du coup, j’ai cliqué sur Annuler, et j’ai préféré prendre plus de temps à fouiller ma bibliothèque et à interroger mes collègues. Et j’ai peut-être conforté du même coup éditeur (et auteur ?) dans leur intuition qu’il n’y a pas de marché pour le numérique payant…
Au lieu de dépenser notre énergie à freiner la diffusion d’un contenu que nous avons eu tant de mal à produire, proposons plutôt à nos lecteurs ce qu’ils demandent : des formats compatibles avec les outils les plus courants et des modes d’accès multiples. Nous pourrons alors commencer à exploiter toute la souplesse de l’écrit dématérialisé, proposer à chacun des ouvrages adaptés à ses besoins et à ses lieux de passage, et inventer de nouvelles formes d’accès au savoir.
xavier@immateriel.fr
Dans le même ordre d’idée,
un exemple particulièrement intéressant du succès commercial d’un
produit sans protection contre la copie.
Un des développeurs de Stardock parle du piratage et de l’industrie du
jeu vidéo :
http://forums.sinsofasolarempire.com/post.aspx?postid=303512 (en)
Traduction de morceaux choisis (les deux jeux dont il parle sont disponibles sur stardock.com en téléchargement payant et sur support CD, mais sans protection contre la copie) :
« […] Bien que Galactic Civilizations II ait été vendu à 300 000 exemplaires, rapportant un revenu à 8 chiffres pour un budget de moins d’un million de dollars, il est largement resté inaperçu. […] Un autre jeu resté inaperçu jusqu’à récemment est Sins of a Solar Empire. Avec un petit budget, il a déjà été vendu à 200 000 exemplaires dans son premier mois de mise en vente. C’est le jeu PC le mieux noté de 2008 et probablement le best seller 2008 des titres PC. Aucun de ces deux jeux n’a de protection contre la copie. […] Si nous ne mettons pas de protection contre la copie, ce n’est pas parce que nous sommes des mecs sympa. Nous le faisons parce que les gens qui achètent nos jeux n’ont pas envie de se prendre la tête avec ces protections. Ce sont nos clients qui décident, pas les pirates. Les pirates n’ont aucune importance. Nous savons que nos clients peuvent pirater nos jeux s’ils le veulent, mais ils choisissent de nous rémunérer pour nos efforts. Donc nous leurs retournons la pareille, nous créons les jeux qu’ils veulent, et nous les leurs vendons sur les supports qu’ils veulent. Ceci est aussi connu pour fonctionner dans n’importe quelle autre industrie. […] »
Logique en conclusion.
Oui. L’image est saisissante effectivement, mais elle pose quelques questions. D’abord, comme le dit François Bon sur la non augmentation des droits d’auteurs, alors que les auteurs peuvent (devraient) être parti prenante de cette dématérialisation notamment quand il s’implique dans cette diffusion via ses activités en ligne.
Ensuite parce que l’image ne montre pas la progression de la marge. Il faudrait un objet interactif pour mieux comprendre. Dans le cas du livre papier, une fois le seuil de tirage minimum amorti (entre 800 et 1200 exemplaires), ensuite, les marges s’accumulent (au moins jusqu’à épuisement du tirage). Mais dans l’électronique également.
Ce que vous ne dites pas (peut-être dans un billet prochain), c’est à combien de vente, à peu près, se situe le point d’équilibre de l’électronique par rapport au papier. Aller. Juste une idée.
Et puis, si on continue les mathématiques, on peut calculer, pour un équilibre à la même quantité vendue (papier et électronique), quel est le prix du livre papier et du livre électronique.
Assurément, cette marge que vous montrez là, avec un grand chiffre, va pousser les lecteurs à demander des livres électroniques moins chers qu’ils ne le sont actuellement ;-).
grand merci pour cette analyse, à laquelle je souscris complètement – et merci à teXtes de m’avoir fait arriver ici! (c’est dans mon Netvibes maintenant!)
@Hubert : Pour comparer papier et électronique, j’ai voulu donner une échelle à nombre d’exemplaires égal et prix égal. Mais comme ça ne correspond pas à une réalité, cela crée effectivement une confusion. Je voulais dire que si on vendait autant de PDF que papier, et au même prix, il nous resterait de quoi investir, et non pas comme aujourd’hui compter chaque centime.
Reprendre ces chiffres plus précisément est une excellente idée de post, merci. Qu’entendez-vous par « objet dynamique » ? Connaissez-vous des outils particuliers ? Sinon, des graphiques en 3D paramétrés selon la quantité vendue et le prix de vente ?
Sinon, je n’ai pas encore calculé exactement le point d’équilibre pour des ouvrages classiques, car les investissements ont tous été imputés à la version papier. En revanche, nos Focus, qui sont écrits directement et (jusqu’à maintenant) exclusivement sur PDF, sont amortis au bout de 250 exemplaires (pour un prix de 8 à 10€). Je vous en dirai plus bientôt, une fois que j’aurai récupéré les stats complètes.
Pour compliquer encore les calculs, il ne faut jamais perdre de vue que le PDF n’est pas exclusif du papier, et qu’une partie du budget d’investissement (notamment éditorial) s’amortit sur les deux supports, voire sur d’autres quand autres il y a (licences type « buffet à volonté » par exemple).
@FBon : Merci !
Merci beaucoup pour votre article,parfois j’ai l’impression d’être une sorte d’extra-terrestre à penser ce genre de chose, les précisions et le sérieux de votre travail me rassure un peu.
J’écris modestement de mon côté des textes sur un blog et je me pose souvent une question: comment s’y prendre pour retenir un lecteur qui lira un texte sur un écran? de la même façon qu’un lecteur papier? n’est-ce pas prendre une nouvelle habitude très différente de la précédente que de lire sur internet?
Le « problème » (si c’en est un) finalement avec le livre virtuel n’est-il pas qu’on ne sait pas comment le lire ou qu’en tout cas on n’en pas encore pris l’habitude?
En d’autres mots, ne reste-t-il pas à prouver qu’on peut tout simplement (tout) lire sur internet?
J’attends avec impatience votre (ou une) réponse,
Gaotian
@Gaotian : si je m’en tiens à notre expérience, les PDF qui se vendent le mieux sur notre site sont soit ceux qui correspondent aux livres papier qui ont le plus de succès sur notre site, soit ceux qui traitent d’un sujet très rarement abordé (dans ce cas, Google mènent les lecteurs potentiels directement dessus).
Autrement dit, même sans traitement spécifiquement lié au nouveau format, ses qualités propres (et le fait que les fichiers ne soient pas bridés) font que la moitié des clients de notre site optent pour le PDF et l’autre pour le papier. Parfois, ce sont d’ailleurs les mêmes, car l’offre combinée a aussi beaucoup de succès.
Il ne fait pas de doute dans mon esprit que des ouvrages spécifiquement destinés au support numérique rencontreraient encore plus de succès.
Mais il n’y a aucune raison pour qu’ils soient plus faciles à concevoir et fabriquer que leurs homologues papier. Lorsque je lis par exemple votre travail d’analyse d’une peinture de Basquiat, il me semble évident qu’il y a un potentiel pour un ouvrage multimédia pour ces analyses d’œuvres d’art, éventuellement doublé par une version papier.
Mais pour que cela s’incarne, il faut d’une part qu’un éditeur soit intéressé par le projet (là, rien de nouveau sous le soleil :-), et d’autre part qu’il soit en mesure de diffuser ce type d’ouvrage ailleurs que seulement sur son site.
Comme nous l’avons souligné, on pourra parler de marché du livre numérique lorsque ces fichiers pourront toucher leurs lecteurs partout où ils se trouvent. Pour l’instant, ce n’est pas le cas, mais j’ai bon espoir que la raison finisse par bientôt l’emporter…
Merci pour votre réponse, je vous ai lu attentivement et j’en suis arrivé à cette conclusion :
Vous êtes une maison d’édition qui édite des ouvrages sur des sujets rarement traités. En éditant ces ouvrages, vous contribuez à former le champ global des livres édités et à la constitution de la notion d’ « éditabilité ».
1)L’ « éditabilité » a un impact sur le monde de la lecture et vous contribuez donc à modifier cette pratique…
2)Vous êtes vous-même sur Internet, donc vous constituez par votre nature une alternative à l’édition conventionnelle.
3)En faisant entrer des ouvrages spécifiques que d’autres ne voulaient pas faire rentrer dans le champ de l’éditable, vous excentrez l’ « éditabilité » de son noyau. Hors comment l’excentrez-vous? c’est en éditant des ouvrages relatifs à internet ! Et c’est là que je trouve que c’est génial, puisqu’en éditant des ouvrages relatifs à Internet, vous faites rentrer Internet dans le champ de l’éditable. En gros c’est comme une sorte de processus qu’Internet a pour s’auto-crédibiliser et cette auto-crédibilisation pourrait permettre à long terme toute sorte de type d’éditions depuis Internet.
Voilà qui me pousse à apprécier votre démarche d’autant plus. J’étais très heureux d’ailleurs de voir que vous étiez passé sur « E-critures » et vos encouragements m’ont beaucoup touché. J’espère trouver un jour un éditeur aussi compréhensif que vous. En tout cas je vous invite chaleureusement à retourner de temps en temps me rendre visite.
Pour ce que vous dites de la diffusion, les auteurs n’ont-ils pas, dans une certaine mesure (laquelle ?), pour mission d’apprendre à s’adapter eux-mêmes afin d’être capables de proposer leurs propres réseaux de diffusion ? Aujourd’hui des auteurs sont publiés (et pas forcément sur le web) parce qu’ils possèdent ces réseaux.
En tout cas, j’ai tendance à penser qu’il reste des combats difficiles à livrer, si ce n’est carrément une guerre à mener, ainsi que beaucoup d’espoir !
Deux choses m’empêchent d’acheter des oeuvres intellectuelles (au sens large) au format numérique : les DRM, d’une part, et les prix, d’autre part.
Mais je pense qu’il existe une autre voie à explorer pour le livre numérique que la vente. En effet, sur Internet, l’information est souvent gratuite. En revanche, les services additionnels, eux, sont payants. Ce modèle économique semble convenir à de nombreux Internautes.
A partir de là, peut-être serait-il intéressant de publier des livres gratuitement et de construire autour des services à valeur ajoutée répondant aux attentes des utilisateurs. S’informer et apprendre deviendrait gratuit, mais obtenir le résultat de cet apprentissage sans avoir à attendre d’assimiler toutes les informations pourrait devenir payant. Dans le cas de livres informatiques, notamment, cela aurait tout son sens.
Martin, vous suggérez de rendre les livres gratuits et de ne faire payer que les services. Si on y réfléchit, c’est déjà le cas. Le plus souvent, l’information traitée dans un livre technique est disponible gratuitement sur l’Internet. Ce que l’on fait payer, c’est donc :
– Le travail de collecte, de tri, de contextualisation effectué par l’auteur (avec l’aide de l’éditeur) ;
– La mise en page et le format codex dans un papier choisi pour rendre la lecture agréable ;
– L’accès immédiat, chez votre libraire favori, à une information que vous auriez mis des heures voire des jours à collecter vous-même, le tout pour un prix modique (combien coûte un développeur qui passe deux heures à cliquer sur son navigateur ?)
– La recommandation de ce livre par un éditeur que vous appréciez, et qui prend le risque de le proposer à votre jugement.
Si on ajoute à tout cela la souplesse que procure le numérique à ceux que le papier encombre ou qui ont besoin de copier-coller des morceaux de texte, ça fait encore quelques raisons pour dire que l’édition n’est déjà qu’un ensemble de services.
Je pense comme beaucoup qu’un jour tout le contenu sera gratuit. Mais finalement ce ne sera peut-être pas une grande révolution.