Comme vous avez pu le remarquer, nous proposons depuis quelque temps des livres numériques protégés par DRM sur notre librairie. Nous avions déjà constaté l’inefficacité de ces protections, mais nous avons à présent confirmation des nombreux problèmes pratiques posés par ce type de verrous lorsqu’il s’agit de vendre des eBooks.
C’est une erreur de croire que ceux qui se préoccupent des DRM ne sont que des technophiles avisés ou des pirates. Sur 200 titres vendus selon cette approche, la plupart des lecteurs n’avaient pas vraiment conscience de ce qu’ils achetaient, ou ne comprenaient simplement pas selon quelle logique étrange leur achat devait être protégé contre eux-mêmes.
Du coup, notre SAV explose : presque un quart des clients concernés nous a contacté à la suite d’un problème inattendu. Cela malgré la documentation fournie que nous proposons autour de ce type de fichiers particulier. Plutôt choquant quand on sait par ailleurs que le ratio de service après vente est plutôt de 1 pour 1000 titres vendus sans DRM !
Notre excellent référencement dans les moteurs de recherche nous joue aussi des tours : des internautes ayant acheté leur livre sur d’autres sites nous sollicitent régulièrement pour les aider à résoudre leurs problèmes de DRM !
Les questions qui reviennent le plus souvent sont liées à des problèmes heureusement solubles :
- Le fichier ne s’ouvre pas dans l’application habituelle (que faire de ce fichier .acsm ?) ;
- Incompatibilités entre Adobe Digital Editions et le logiciel de leur eReader ;
- Complexité liée à la création d’un compte chez Adobe en plus du compte chez le détaillant.
Et d’autres cas où malheureusement nous avons dû rembourser nos clients :
- Incompatibilité avec l’iPhone (particulièrement désagréable pour le libraire quand l’éditeur lui répond qu’il existe une application spéciale sur l’AppStore d’Apple …)
- Incompatibilité avec la plupart des téléphones portables et autres PDA
Pire, certains éditeurs appliquent, en plus des contraintes habituelles, des interdictions particulièrement sévères, comme par exemple l’interdiction de copier le fichier sur une tablette de lecture (véridique) ! Tous ces problèmes se soldent par un remboursement pour certains clients, une aversion envers le livre numérique pour la plupart, et au minimum une demi-heure de travail supplémentaire à chaque fois pour le détaillant.
Quant aux ventes, en se référant au catalogue actuel revendu par immatériel·fr, soit 1669 offres avec DRM et 2589 sans, sur les 30 derniers jours on se rend compte que les titres avec DRM se vendent presque deux fois moins bien :
- Ratio ventes/catalogue avec DRM : 64/1669 = 0,038
- Ratio ventes/catalogue sans DRM : 190/2589 = 0,073
On comprend l’étonnement de Charles Kermarec de ne pas toucher autant de remise que pour le papier : même si le travail lié au stockage du livre papier disparaît, le service après-vente explose ! Sans oublier la désagréable impression de flouer ses propres clients, en prenant le risque de les perdre.
Enfin, notre expérience nous montre que ceux qui déposent les fichiers sur Internet sont majoritairement de faux clients qui utilisent des cartes de crédit volées, et n’ont pas vraiment de scrupules à partager les fichiers, avec ou sans DRM (car bien sûr, les livres avec DRM sont aussi piratés, soit parce que le verrou est cassé, soit parce que la version papier est scannée). Au moins eux ne se plaignent jamais …
En conclusion, les DRM coûtent non seulement plus cher à l’éditeur, ils coûtent aussi plus cher aux libraires ! Cet illusoire sentiment de protection réduit à néant tous les efforts qualitatifs et quantitatifs des éditeurs et des libraires, et contribue à écorner le rapport de confiance avec ses lecteurs.
Pour sortir de ces problèmes, on pense bien sûr à se passer carrément des DRM, comme l’a fait récemment avec succès David Pogue. Mais on peut également penser le livre numérique comme un service plutôt qu’un fichier, comme c’est le cas chez Publie.net ou O’Reilly Media.
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